Conséquences d’être un monstre [Marley & Remus]

4 Mai 1977 - Salle de Duel


La lune m’avait une fois de plus transformé en ce monstre que je ne peux retenir. Une fois de plus j’avais risqué la vie de mes amis et même la vie d’innocents. Une fois de plus j’avais perdu le contrôle en me laissant être dévoré par la colère et la sauvagerie que m’imposait ma condition. Seul, allongé sur le sol froid de la forêt, j’avais ouvert les yeux alors que la brise de la fin de la nuit s’annonçait dans mes cheveux et sur ma peau. J’avais retrouvé ma forme humaine, ma véritable forme qui faisait de moi l’élève de la maison Gryffondor. J’avais retrouvé ma peau, mes mains et mes pieds qui faisaient de moi un jeune homme.

Pourtant en me redressant j’avais à nouveau éprouvé cette intense douleur d’ores et déjà ressentie durant la nuit passée. Mon instinct qui m’avait poussé à me redresser eut raison de moi puisque je retombais aussi lourdement sur le tapis de feuilles mortes qui m’avait ainsi tenu chaude pour la fin de la nuit. La lune était à présent couchée et le ciel était plus clair, signe que le jour n’allait pas tarder. Je tentais de lever une de mes mains, sans grand succès tant la douleur vive ressentie à l’épaule me stoppa dans mon geste. L’autre main se leva à son tour pour finalement me tâter le torse dénudé. Oui j’étais nu comme un vers étant donné ma condition de loup, mes premiers vêtements avaient été retirés à la hâte, quand les derniers avaient sûrement terminé en charpie. Mes doigts se stoppèrent alors au contact de ma peau douloureuse d’où un liquide chaud était en train de s’enfuir. Je saignais encore après plusieurs heures. Lentement je me remémorais les épreuves de la nuit passée. Les sorts jetés par Kaylina, l’élève de Gryffondor qui avait eu le malheur de croiser ma route. Mon dieu, je priais alors intérieurement pour qu’elle ne soit pas blessée, me fichant en réalité de mon état actuel.

Le visage déformé par la douleur, je réussissais tant bien que mal à me redresser pour finalement retrouver une place assise et voir de mes yeux les blessures que j’avais sur mon propre corps, stigmates horrifiques d’une bataille nocturne inégale. Si mes yeux étaient dirigés vers mes blessures, mes pensées, elles, étaient dirigées vers cette jeune élève qui avait dû passer la pire nuit de toute sa vie. Ignorant ma nudité et le froid dont les effets commençaient à se voir sur ma peau devenait plus pâle et plus bleutée, je me relevais pour finalement réussir à me mettre sur mes deux jambes. Les premiers pas furent compliqués mais finalement j’avais rapidement retrouvé la trace de mes vêtements abandonnés. L’odorat de loup étant encore incrusté dans mes réflexes. Le chemin jusqu’au château ne fut pas très long mais je prenais bien soin de ne pas être vu par les quelques élèves ou professeurs trop matinaux.

Arrivant au rez-de-chaussée du château, plusieurs options s’offraient alors à moi. La première serait d’aller jusqu’à la salle commune des Gryffondor, prévenir les gars que j’étais toujours en vie et m’écrouler afin qu’ils m'emmènent eux-mêmes à l’infirmerie. La seconde serait d’aller jusqu’à l’infirmerie moi-même mais je subirais à coup sûr les questions incessantes de l’infirmière en cheffe. La troisième serait de me rendre jusqu’au bureau de Dumbledore pour qu’il me prenne en charge. J’avais cette sensation d’être redevable envers lui pour sa patiente et son ouverture d’esprit quant à ma condition. Même si je m’en voulais toujours de lui causer du tort par la simple présence et existence.

L’option numéro trois me sembla la plus propice mais alors que je m’appuie contre un des murs de l’entrée pour reprendre mes esprits et me décider enfin, j’entendis du bruit. Des professeurs étaient d’ores et déjà en train de venir dans ma direction. Je les entendais, ils étaient plusieurs et je ne voulais pas qu’ils me voient ainsi. Tournant au coin d’un des couloirs, la solution numéro quatre, celle de repli, s’imposa alors à moi. La salle de Duel serait mon refuge pour les prochaines minutes, le temps que je reprenne des forces ou bien que l’agitation dans les couloirs se calme. Rasant les murs, j’arrivais avec difficultés à la porte de la salle de Duel. Pénétrant dans la pièce vide et étonnement grande lorsqu’elle était dépourvue d’élèves, je me posais contre le mur non loin de la porte. Me laissant glisser jusque sur le sol en grognant légèrement et en grimaçant de plus belle. Intérieurement je prononçais deux prières, la première, que Kaylina aille bien, la seconde, que personne n’entre dans cette pièce.

Le sol et le mur, tous deux de pierre, étaient froids. Une fraîcheur glaciale qui me fait du bien d’une certaine manière. Même si je sais que je ne devrais pas être là, qu’il faut que je trouve de l’aide pour me soigner et que je vais surement me faire renvoyer de l’école, je n’arrive pour autant pas le moins du monde à bouger ni même à me lever. L’odeur de mon sang se répand dans mes narines alors que je tente de refouler mon côté loup sauvage en moi. Finalement il s'apaise lorsque c’est le goût de mon propre sang qui envahit ma bouche. Ce n’est pas vraiment une bonne nouvelle mais cela a le mérite de l’apaiser et de m’apaiser en même temps. Je crois finalement que je vais rester là par terre. Ce n’est pas si mal et j’ai encore du temps avant que les élèves ne déboulent dans cette salle. Enfin je l’espère. Je ferme les yeux un instant, rien qu’un instant de répit. Je sens mon corps devenir plus lourd, ma tête pars en arrière et se cogne au mur me sonnant encore davantage. Je sais qu’il ne faut pas que je m’endorme et pourtant je n’arrive pas à me retenir…

Je n’entends pas la porte qui s’ouvre, mon souffle est saccadé et je garde les yeux clos. Même l’odeur soudaine d’un parfum fleuri ne me fait pas réagir sur l’instant. Pourtant une voix douce et inquiète m’appelle. Je grogne de douleur en tentant de bouger. Je sens mes plaies qui saignent toujours… J’entrouvre les yeux et l’aperçois.

“Marley ?”

Je tente de me redresser pour faire bonne figure mais je crois que je suis déjà grillé de toute manière.

“Tu… tu ne devrais pas être là…”

J’ignore si Kaylina a déjà parlé, j’ignore si je suis déjà recherché par toute l’école mais une chose est sûre et certaine, je ne veux pas faire le moindre mal à Marley… Non pas elle. Je me redresse avec douleur et je sens tout mon corps qui me fait payer le prix de mon mouvement. Les grimaces se verront forcément sur mon visage mais je parviens tout de même à articuler quelques mots de plus :

“Vas t’en Marley… Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose…”

Je ne veux pas que le loup en moi te fasse du mal. C’est plutôt ça que j’aurais dû lui dire mais je ne l’ai pas fait. A la place, je lui ai menti… à elle, à celle pour qui je ne voudrais jamais mentir, à celle avec qui pour une fois j’aimerais être moi-même…

Son parfum aussi enivrant pour moi qu’il est douloureux. J’ai bien du mal à garder les yeux ouverts et pourtant son regard si inquiet sur moi me donne la force de les garder entrouverts pour l’observer. Je tente de la dissuader de rester mais c’est peine perdue et elle est déjà à genoux devant moi pour m’aider en me répondant que je ne devrais pas être là non plus. Bon sang, je sens la bête en moi qui gronde devant sa présence alors que je suis blessé. Il me faut résister alors dans un effort silencieux et complètement inutile, je tente de me redresser pour reprendre contenance tout en déglutissant avec difficultés. Voulant bien faire, Marley m’aide à me replacer pour que je sois bien installé mais mon reflexe est d’attraper son poignet avec vigueur avant d’ouvrir les yeux et de me rendre compte de mon geste. Tout en la relâchant je gronde quelques mots :

« Désolé, je ne voulais pas … Je … »

Je continue de me mouvoir sans grande réussite mais lorsque sa main se pose sur mes blessures je me fige d’un coup. Mon sang ne fait qu’un tour et mes yeux s’ouvrent pour se poser sur elle. Elle est si délicate, si attentionnée envers moi alors que je ne mérite pas un tel traitement. Par réflexe de rejet, je lui somme de partir. Je ne veux pas qu’elle soit en danger et je ne veux pas encore moins être la cause d’une quelconque blessure la concernant. Mais elle se montre à nouveau têtue et me confirme qu’elle reste à mes côtés. Pire elle sort sa baguette pour verrouiller la porte de la salle de cours. Soit, personne n’entrera et je ne me ferais pas voir par une âme trop curieuse mais c’était aussi synonyme d’enferment pour Marley au cas où je faisais encore des siennes avec le loup en moi. Je n’avais encore jamais eu de transformations de jour mais je me méfiais de cette condition qui était devenue ma vie. Le loup en moi est imprévisible et en cet instant il est blessé, à la fois physiquement mais également dans son orgueil.

Alors qu’elle applique son beau gilet sur ma blessure, je me raidis à nouveau par réflexe avant de tiquer au niveau de la douleur et de geindre lentement en posant ma main sur celle de Marley.

« Tu comprends pas… »

Elle regarde ma blessure alors que je baisse les yeux pour capter son regard et plonger mes yeux dans les siens. Un léger apaisant se fait sentir alors dans la totalité de mon corps alors que mon autre main encore libre file se nicher dans l’aube de son cou alors que mon pouce glisse lentement sur sa joue :

« Je mérite ce qui m’arrive mais toi... Je ne me le pardonnerais pas s’il t’arrive quelque chose. »

Si la culpabilité s’était personnifiée, elle aurait surement pris mon apparence. Je me sens coupable de ce que j’avais pu faire à mes amis la nuit passée, mais je me sentais également coupable de ce que Kaylina avait pu avoir comme blessures par ma faute. A cela s’ajoutait désormais la culpabilité d’entrainer Marley dans toute cette histoire. Refusant de partir et de me laisser seul, elle ferma la porte. Chaque contact qu’elle me porte me fait réagir au-delà ce que je voudrais lui montrer. Ses paroles me font du bien malgré la douleur ressentie et les divers frissons qui parcourent mon cœur. Le loup en moi grogne mais croiser son regard à elle rien qu’un instant et il semble être plus docile ce qui m’apaise dans la foulée. Pourtant, elle ne doit pas rester. Je ne veux pas risquer de lui faire du mal, pas à elle.

Je tente de lui expliquer mais naturellement je reste vague. Comment annoncer à quelqu’un de but en blanc que j’étais un monstre et que les blessures que j’avais m’avaient été infligées par une personne qui n’avait fait que se défendre de moi. Mais elle ne comprenait pas… Je secouais un moment la tête de droite à gauche pour tenter de me faire mieux comprendre :

« Non… Marley… »

La douleur de mon ventre m’empêchait de correctement parler et surtout de correctement penser. Pour autant il fallait qu’elle comprenne que c’était moi le danger dans cette pièce :

« C’est moi… Je suis dangereux… Il faut que tu partes… Je ne veux pas te faire de mal… »

Croisant à nouveau son regard, je me sens comme suspendu dans le vide. Plus rien ne compte hormis elle, ma main se lève sans que je ne m’en rende compte et se pose sur sa joue délicate en même temps que mon cœur arrive enfin à s’exprimer :

« Tu es tellement belle, intelligente… Je ne veux pas qu’il t’arrive malheur par ma faute… Je ne veux pas que cette part sombre de moi puisse te faire souffrir. »

Ma main toujours posée sur sa joue, je laissais seulement mon pouce faire un léger va-et-vient pour savourer la douceur de sa peau. La pensée intime de concrétiser mon envie de lui dire ce que je ressens pour elle est toute proche mais je me retiens encore et encore. Elle mérite tellement mieux qu’un monstre comme moi. Elle mérite tellement mieux. Restant alors bouche bée devant cette blondinette qui fait rater à mon cœur quelques battements, j’occulte toutes pensées négatives et toutes idées de blessures et de douleurs pour ne voir qu’elle…

« Marley… Je … »

Mes yeux s’embrument et je commence à voir flou, la réalité de la situation me rattrape et je comprends alors rapidement que je perds conscience. Il me faut alors dire à Marley ce qu’elle doit faire.

« Préviens…. Dumbledore… Uniquement lui et personne d’autre… Marley…  … Dumbledore… »

Je sens ma main qui devient lourde, en même temps que tout le reste de mon corps… J’ignore encore si je vais mourir ou non mais l’idée que mes derniers instants soient avec celle qui fait battre mon cœur fut un immense cadeau.

Ce sentiment de flottement que je ressens me berce dans un océan de coton alors que je sens le parfum de la belle sorcière qui se trouve à mes côtés. Ce parfum qui m’enivre l’esprit en même temps que mon corps perd pied. J’arrive à articuler quelques dernières instructions à la douce Marley avant de me laisser entrainer dans ce champ printanier qui me console et m’enveloppe de ce sentiment de bien-être et de sérénité auxquels d’ordinaire je me refuse le droit.

Mes yeux se ferment, mon corps devient lourd et finalement entre en contact avec la pierre froide du sol alors que le parfum disparait… Suis-je en train d’avoir mes dernières pensées ? Suis-je en train de ne devenir qu’une ombre de plus qui n’aura eu finalement que ce qu’elle méritait ?  

*** Quelques étages plus haut, dans le bureau d’Albus Dumbledore ***

Le silence est de mise en ce lieu qui finalement renferme un homme à la barbe blanche et fine. Il est songeur, il est inquiet. La nuit dernière était le fardeau d’un de ses élèves qui il le sait ne se supporte pas lui-même. Il a beau faire en sorte que le jeune Lupin se sente bien dans les murs de ce château, il sait que l’élève se torture de la moindre pensée sanguinaire. Alors qu’il est armé d’une plume en train de lire des dossiers dont il se doit d’apposer la signature, il ressent la présence ou il entend l’arrivée des pas de cette jeune élève. Miss O’Neil arrive alors en trombe dans son bureau. Essoufflée et terrifiée, elle est porteuse d’un message qui ne fait de confirmer la crainte du Directeur de l’Ecole de Magie. Pour autant, il se lève en douceur et peut-être dans une volonté de préserver les horribles peurs de son élève, il se veut rassurant. Avec sa voix sereine et calme, il s’approche de son élève et lui somme d’une voix lente de retourner dans son dortoir. Il est bien trop tôt pour elle de trainer dans les couloirs. Il précise bien évidemment qu’il s’occupera de Lupin et que tout ira bien. Même si dans le fond il n’est pas certain de ce qu’il va découvrir, il sait que Remus a attaquer une élève durant la nuit, qui se trouve en cet instant même à l’infirmerie. Si l’élève s’est défendue, il est normal que Remus soit blessé songea alors le professeur.

Rapidement il se retrouve seul après avoir quitté miss O’Neil à la sortie de son bureau. S’il fait un crochet par l’infirmerie pour demander à avoir de la main d’œuvre, le directeur ne tarde pas à se retrouver dans la salle des duels pour y découvrir un Lupin inconscient et bien mal en point. Après avoir donné ses instructions à l’infirmière en cheffe, il finira par prévenir le corps professoral de l’agression de deux élèves par une bête sauvage dans la forêt interdite, sans préciser que justement l’un des deux était l’agresseur lui-même.

HRP: